ChatGPT et le cerveau humain : ce que l’IA modifie dans notre activité mentale
Une étude inattendue : penser par procuration
Dans une recherche pionnière, des neuroscientifiques du MIT ont exploré un phénomène que beaucoup pressentaient sans pouvoir encore le prouver : ce que nous perdons, silencieusement, lorsque nous laissons une intelligence artificielle écrire à notre place. Leurs résultats sont saisissants.
Au cours de l’expérience, des participants devaient rédiger des textes, certains seuls, d’autres à l’aide de ChatGPT. Pendant ce processus, leur activité cérébrale était mesurée par imagerie. Résultat : une baisse de 47 % de l’engagement neuronal chez les utilisateurs d’IA. Et plus étonnant encore, 83 % d’entre eux étaient incapables de se souvenir d’une seule phrase qu’ils avaient “rédigée” quelques minutes plus tôt.
Une mémoire qui ne s’ancre pas, une pensée qui ne passe plus
Ce que l’étude révèle n’est pas un simple effet de distraction. C’est une forme de désengagement intérieur. L’outil agit, produit, rédige — mais la conscience ne suit pas. Comme si l’esprit se tenait en retrait, spectateur d’un processus qu’il n’habite plus.
Là où écrire engage normalement le corps, la mémoire, la logique et l’émotion, l’écriture assistée par IA devient un acte vidé de sa densité cognitive. Le texte est fluide, mais ne laisse pas de trace. Il est lu, mais pas éprouvé. Il parle sans qu’on l’ait vraiment pensé.
Une modernité de la délégation
Bien sûr, la tentation de déléguer n’est pas nouvelle. L’écriture elle-même, jadis, fut perçue comme une externalisation de la mémoire. Chaque époque a vu naître des outils accusés d’affaiblir la pensée : l’imprimerie, la calculatrice, internet. Mais ce qui distingue les assistants d’aujourd’hui, c’est leur capacité à produire un langage qui ressemble au nôtre, et donc à se substituer discrètement à l’effort intellectuel sans alerter notre vigilance.
ChatGPT ne se contente pas de compléter un raisonnement. Il le mime. Et cette imitation rend possible une forme de pensée déléguée, que nous reconnaissons sans l’avoir vraiment formulée.
Penser, c’est habiter ce que l’on dit
Ce que cette étude nous rappelle, c’est que penser n’est pas une opération externe. C’est un travail lent, imparfait, traversé de doutes, de retours, d’élans interrompus. C’est cette friction qui fait que nous nous souvenons de ce que nous écrivons, que nous en assumons la forme, que nous nous y reconnaissons — ou pas.
Déléguer ce travail, c’est aussi, parfois, s’effacer du texte. C’est accepter qu’une machine articule notre pensée sans qu’on l’ait traversée.
Une question de posture, non de rejet
Faut-il dès lors renoncer à ces outils ? Non. Mais il faut apprendre à les utiliser comme des partenaires critiques, non comme des extensions passives. Il ne s’agit pas de condamner l’IA, mais de préserver ce que penser signifie : un acte de présence à soi et au monde.
C’est moins une question de technologie que de responsabilité intellectuelle. Si nous voulons que ces outils nous élèvent, il faut qu’ils répondent à un engagement préalable, non qu’ils le remplacent.